Influenza aviaire : Mort annoncée de la filière avicole.
TRIBUNE du 4/12/22
Vendredi 2 décembre, le gouvernement a décrété ce qu’il nomme: « une dé-densification » du nombre de volailles dans les zones à risque de diffusion (ZRD), dans un rayon de de 10 à 20 km autour des foyers de grippe aviaire identifiés en Deux-Sèvres et en Vendée. Zone s’élargissant à 50 km autour de ces foyers, dans laquelle sont interdites « les mises en place des palmipèdes et dindes » et imposé « l’allongement des vides sanitaires pour les poulets et poules pondeuses. » En clair, abattage généralisé avec l’interdiction de relancer une production avant une date indéfinie. La filière avicole industrielle et intégrée doit cesser son activité pour éviter de sombrer définitivement dans le cercle sans fin de la lutte contre le virus.
La particularité de ce virus est qu’il touche en grande majorité les poussins, empêchant toute lutte naturelle d’adaptation des volatiles à cette menace. Et c’est toute la filière industrielle qui est touchée. Cette chaîne industrielle est extrêmement fragile, sélectionnant les poules pour leur capacité à pondre un nombre maximum d’oeufs à l’année, défie les lois de la nature, en leur imposant claustration et lumière artificielle seize heures par jour, en faisant voyager les poussins d’un accouvoir vers de multiples exploitations : le virus emprunte les mêmes chemins pour se répandre.
Face aux perspectives des pertes économiques colossales, face à la mise à l’arrêt de toute une filière industrielle, depuis la production jusqu’à la transformation et la consommation, le gouvernement tremble qui tente de changer de stratégie.Celui-ci s’appuyait jusqu’ici sans succès sur le durcissement des normes de biosécurité pour lutter contre le développement de l’influenza aviaire, désormais il propose d’un côté la piste de la mise en place d’un schéma vaccinal pour toute la filière non touchée et impose de l’autre l’abattage préventif et le non-renouvellement des poussins.
La science appelée à la rescousse pour enrayer la machine, a bien proposé un vaccin. Malheureusement, celui-ci est peu rentable pour la filière, car l’intérêt économique et sanitaire de vacciner des millions volailles à durée de vie très courte que ce soit pour la production de viande ( 28 jours pour un poulet industriel à 18 mois pour une poule pondeuse industrielle) se pose dans tous les cas. Depuis le mois de mai, deux laboratoires, Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim, tentent de produire un vaccin efficace, cependant il ne sera pas disponible avant fin 2023.
Cette politique d’abattage sur de larges zones entraine dans son sillage une autre filière, paysanne, indépendante, résolument aux antipodes de la production médicalement assistée, celle, alternative, des éleveuses et éleveurs de plein-air.
Pour un retour à une agriculture paysanne.
Ces éleveurs cités comme des modèles de résilience à suivre, ces paysans de nos territoires qui se battent jour après jour pour nous offrir une alimentation saine, locale et diversifiée, vont payer les premiers le prix de l’effondrement « programmé par décret ». Bien que sains, leurs élevages sont abattus « par précaution ». Ces paysans seront « abattus » également, dans l’indifférence la plus totale. Nous devons les soutenir de toutes nos forces.
Cette filière est aussi importante sur le plan alimentaire : les oeufs et la chair de poulet constituent la protéine animale disponible la plus abordable, la viande de poulet représente plus de 30% du régime carné des français qui en consomment 28,5 kg en moyenne par an. Cette crise va toucher l’ensemble des consommateurs et surtout des plus précaires; l’enjeu est à la fois agricole, social et de de santé publique.
Cette crise sonnera t-elle le glas du productivisme effréné, de la sélection génétique à outrance, de la division du travail, de la dénaturation du métier d’éleveur, de la concentration maximale des animaux d’élevage, de la destruction du vivant au prétexte de « nourrir le Monde » ? Rien n’est moins sûr tant sont puissants les idéologues de l’industrialisation à outrance, même si le géant aux pieds d’argile vacille aujourd’hui. Sur le territoire, les paysans, éleveurs de plein-air sont mobilisés pour défendre le seul modèle qui respecte le vivant et permet aux animaux de créer leur propres défenses immunitaires. L’État indique qu’il veut « dé-densifier » les élevages industriels, or c’est exactement ce que font depuis des siècles ces éleveurs tantôt adulés, tantôt considérés comme quantité négligeable dans les politiques agricoles. À quand une politique cohérente en faveur de cet élevage paysan ?
Sauve Qui Poule Poitou
Les éleveurs et éleveuses des Deux-Sèvres, de Vendée et de toute la France s’organisent pour défendre leur modèle, ancestral, à dimension humaine, un modèle résilient aux virus, orienté vers la souveraineté alimentaire locale, la qualité nutritive et le goût plutôt que vers l’industrie agro-alimentaire et la malbouffe. Ces collectifs « Sauve Qui Poule » se constituent dans les départements les plus touchés aujourd’hui afin de faire entendre la voix des éleveurs et des consommateurs. À l’heure d’une telle crise, il est nécessaire de changer de modèle, de prendre en considération ce que les paysans, les écologistes et naturalistes défendent depuis plus de quarante ans : une agriculture diversifiée, résiliente et créatrice d’emplois pour les territoires. Soutenons-les.
Guillaume DUMOULIN – Porte-Parole EELV Deux-Sèvres.