Déserts médicaux et accès aux soins élémentaires : une agonie annoncée.
TRIBUNE du 13 Novembre 2023.
En tant qu’élu municipal et communautaire je suis de plus en plus sollicité sur le sujet de la désertification médicale qui ne fait que s’étendre de jours en jours sans qu’aucune solution pratique et pérenne ne soit ni proposée, ni mise en place. Sur ce sujet, si personne ne dispose d’une solution toute faite, c’est tout de même collectivement que nous devons agir autrement, nous risquons de créer encore plus d’inégalités et d’insatisfactions chez les habitants du territoire.
Lutter contre les déserts médicaux est un enjeu majeur pour le département des Deux-Sèvres, en effet selon une carte publiée par le Ministère de la Santé en 2022*, le manque de médecins généralistes, pour ne citer qu’eux, se situe entre 100% et 200% sur quasiment tout le territoire. Il s’agit d’une réalité vécue au quotidien par tous les habitants et pourtant les pouvoirs publics se renvoient la responsabilité. Pour le Département, il ne s’agit pas de sa compétence. Pour les communes, bien démunies et désespérées, la seule solution revient souvent à ne rien faire, ou à peu près rien, au mieux une banderole posée le long de la route, au cas où. Mais la réalité est implacable et c’est toute l’équité du système de santé qui est remis en cause. S’il faut attendre des mois et parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour se rendre chez un spécialiste, qu’en est-il de la médecine du quotidien ? Comment rendre attractif un territoire qui ne dispose plus des ressources humaines suffisantes pour soigner sa population, qui elle-même nécessite chaque jour plus de soins. Les exemples de médecins retraités qui reprennent du service pour quelques années dans le but de soulager une situation catastrophique, comme c’est le cas par exemple à Champdeniers, ne résoudront pas, loin s’en faut, la pénurie de professionnels de santé et la désertification désormais installée et durable.
Seules, également, sont les communautés de communes face à l’incompréhensible mécanisme de plafonnement des prix de l’aide à domicile édictée dans les services départementaux qui ne couvre plus depuis de nombreuses années le coût réel du service rendu par la collectivité. Résultat de l’équation, les communautés de communes doivent payer les dettes de ces services ou choisir de se défaire de la compétence, au détriment encore une fois des personnes les plus vulnérables. Là encore, en amont du parcours de soin, c’est tout un accompagnement dans le maintien de l’autonomie de nos aînés qui risque de disparaître dans l’indifférence la plus totale. Ce maintien dans l’autonomie qui était vanté comme une des solutions face à la pénurie de places en Ehpad.
Enjeu de santé publique au sens de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946, considéré comme un droit positif : « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.», les Ehpad ne sont pas en reste dans cette situation qui est proche de la rupture du pacte social établi entre les citoyens et l’État. Ehpad publics endettés parfois jusqu’à l’asphyxie, unités de soins inadaptées aux évolutions des pathologies des résidents, personnels en tension, tout présage d’un effondrement du système sans une grande refonte du parcours de soin territorial et des importants investissements nécessaires en la matière. En face, un secteur privé qui n’arrive pas à faire converger les services apportés aux résidents et la voracité de leurs actionnaires, aboutissant tristement à de nombreuses dérives chez plusieurs grands acteurs du secteur. Au milieu de ce marasme, les citoyennes et citoyens sont désemparés, les familles désespérées et les élus abandonnés, le Sénat refusant toute évolution de la loi sur le sujet.
Dans cette tourmente un groupe transpartisan de parlementaires, animé par le député de la Mayenne, Guillaume Garot, travaille sur le sujet des Déserts médicaux et l’accès au soins, groupe qui a déposé une proposition de loi pour réguler l’installation des médecins sur le territoire, faciliter l’accès aux études de médecine, l’exercice des soins, et permettre à tout citoyen d’avoir accès à un médecin généraliste, un médecin spécialiste et un chirurgien-dentiste accessible dans tous les territoires. Dans le cadre du Tour de France contre les déserts médicaux, cinq députés (Guillaume Garot, Delphine Batho, Yannick Favennec-Bécot, Christophe Marion et Jérôme Nury) seront présents le Mercredi 29 Novembre** à St-Maixent (Espace Agapit) à partir de 18h pour faire état de l’avancement du travail parlementaire sur le sujet et pour échanger sur les perspectives envisageables pour répondre au besoin essentiel d’accès aux soins pour toutes et tous.
Il est encore temps d’engager une dynamique positive sur le territoire pour apporter aux citoyennes et citoyens des solutions concrètes et consacrer les moyens nécessaires à une véritable politique en matière d’accès au soin au niveau départemental, intercommunal et communal. Le département de Saône-et-Loire a peut-être trouvé une solution en salariant 71 médecins généralistes pour pallier à la désertification médicale. Le coût résiduel pour la collectivité s’élèverait à 3 millions d’euros, financé par les impôts. Solution peut-être radicale et à moduler en fonction de l’offre de médecine libérale, mais qui a pris à bras-le-corps le problème de ses habitants pour le résoudre. À bon entendeur.